Vème Conférence Caribéenne : Drépanocytose et Thalassémies

La Vème édition de la conférence Caribéenne du réseau CAREST “Drépanocytose et Thalassémies” s’est tenue en Guyane du 24 au 26 Octobre 2018. Avec la participation d’environ 150 congressistes (médecins, chercheurs, associations de familles de patients) cette dernière édition a pris une plus large envergure que les précédentes. Au-delà des fidèles participants de la Caraïbe insulaire, ce congrès International a aussi attiré des spécialistes de la grande Caraïbe et des experts venus des USA, de l’Inde et de la France hexagonale.

Conformément aux résolutions de ce réseau préconisant l’organisation régulière de conférences dans différents pays de la Caraïbe, après la Guadeloupe, Cuba et la Jamaïque, la Guyane a été retenue pour cette dernière édition. A cette occasion, des problématiques propres à la Guyane ont été mises en avant, notamment un plaidoyer pour la reprise des dons du sang, arrêtés depuis 2005 à cause de risques de transmission de la maladie de Chagas. Des experts Brésiliens présents à cette conférence ont fait part de leur expérience pour contrer ce problème. La stratégie appliquée consistant en des tests fiables de dépistage du parasite responsable de la maladie permet d’éviter des pertes de donneurs tout en réalisant des dons sécurisés. Cette stratégie qui pourrait être applicable à la Guyane est un enjeu important pour le traitement de la drépanocytose et des thalassémies, la transfusion sanguine restant une approche thérapeutique vitale pour certains patients atteints par ces pathologies.

Cette conférence a été co-organisée avec le laboratoire d’excellence GR-Ex, qui regroupe une trentaine de laboratoires et de cohortes cliniques développant des recherches sur la biologie du globule rouge normal et pathologique. Ce réseau est coordonné par le Professeur Olivier Hermine, originaire de la Guyane. Professeur en hématologie, il a récemment été élu à l’Académie des Sciences.
Nous avons également bénéficié de la participation et du soutien actif du Club du Globule Rouge et du Fer (CGRF), groupe de travail de la Société Française d’Hématologie.

La cérémonie d’ouverture s’est tenue au sein du très bel hôtel de la ville de Cayenne. Parmi les personnalités présentes, le directeur de l’ARS Guyane, Mme le Maire de Cayenne, le Président de l’Université de Guyane et la directrice du Centre hospitalier de Cayenne se sont exprimés ; de même que pour les organisateurs, les Prs Narcisse Elenga, Jacques Elion, Olivier Hermine, Drs Lisiane Kéclard, René-Serge de Neef et Marie-Dominique Hardy-Dessources.

Différents thèmes ont été abordés au cours des deux journées de conférence qui se sont déroulées au sein de l’Université de Guyane. Des interventions ont porté à la fois sur des problématiques cliniques relatives aux avancées dans la prise en charge et sur des aspects de recherche fondamentale, dans un contexte associant d’un côté l’espoir d’un accès à des traitement innovants incluant la thérapie génique, et de l’autre l’absence de dépistage à la naissance (néonatal) dans de nombreux territoires ou pays de cette grande région Caraïbe, étape pourtant clé pour la prévention des complications associées à ces pathologies. Une large part a été faite sur l’état des lieux du dépistage néonatal de la drépanocytose dans la Caraïbe incluant les situations complexes dans les pays tels que le Venezuela et le Costa-Rica.

Une session spécifiquement dédiée aux associations de patients s’est tenue sur une demi-journée. Nous citerons deux des interventions majeures de ce congrès :

  • La communication d’un jeune patient, David Issom, sur la thématique “patient expert”. Doctorant en santé globale, ce jeune patient drépanocytaire, se basant sur son expérience, a montré qu’il est possible de mieux comprendre son corps grâce à des outils de e-Santé (exemple une puce incorporée dans la main) et réagir de façon à réduire la fréquence et l’intensité des crises douloureuses que subissent les drépanocytaires. Grâce au développement des nouvelles technologies des solutions existent pour que le patient puisse mieux gérer sa maladie. L’objectif de sa formation doctorale est de faire avancer la recherche dans le domaine de l’e-santé pour mieux vivre avec la drépanocytose ;
  • Le débat clôturant le congrès a consisté en un challenge choisi autour de la question suivante “Drépanocytose, quelle est la priorité : Guérir de la drépanocytose (greffe de moelle, Pr. Mariane de Montalembert – France) ou Améliorer la prise en charge (Pr. Russel Ware, USA)”. Les arguments développés par le Pr. Ware ont semblé convaincre un plus grand nombre. Il rappelle qu’on compte chaque année environ 400.000 naissances de drépanocytaires provenant majoritairement d’Afrique et d’Inde. On estime que faute de dépistage à la naissance et de la mise en place d’une prise en charge adaptée, 50 à 90% des bébés nés en Afrique meurent avant l’âge de 5 ans. Des interventions simples incluant un dépistage à la naissance, une antibiothérapie (pénicilline), l’éducation des familles, le traitement à l’aide de l’hydroxyurée (seul médicament actuellement efficace) permettent de transformer la vie de ces enfants naissant dans les zones défavorisées économiquement alors que la guérison grâce à la greffe de moelle ou la thérapie génique représentent des alternatives très onéreuses pouvant être accessibles à un très faible nombre de patients. Une étude effectuée en Afrique coordonnée par les Prs Tshilolo et Ware présentée en session plénière à l’ASH 2018 et récemment publiée dans le NEJM quelques semaines après le congrès confirme que l’hydroxyurée réduit de façon significative les complications et la mortalité liée à la drépanocytose.

En préalable à la Conférence, une séance d’information/débat à l’attention des étudiants de l’Université de la Guyane et des élèves de classes terminales a été également organisée autour de deux grandes thématiques : les métiers de la recherche et les échanges internationaux pour la formation et la recherche.

La réussite de cette conférence a été possible grâce au soutien financier de nos principaux sponsors publics (ARS Guyane, ARS Guadeloupe, l’Université de Guyane, la Communauté d’Agglomération du centre Littoral de Guyane, les centres Hospitaliers de Cayenne et de l’Ouest Guyanais, le Centre de Référence de la Drépanocytose Antilles Guyane, l’Inserm, le CGRF, le Gr-EX) et privés (Laboratoires pharmaceutiques et prestataires de santé).

Les objectifs de l’association CAREST ont été au cœur de cette conférence :

  • Communiquer sur les progrès réalisés dans la prise en charge de ces pathologies afin de favoriser une meilleure diffusion des informations et contribuer à une meilleure formation des professionnels de santé amenés à les prendre en charge.
  • Favoriser la mise en place de partenariats pour pallier aux difficultés rencontrées par certains pays dans le domaine de la prise en charge et faciliter le développement de projets de recherche pour contribuer aux avancées thérapeutiques.

A l’issue de la conférence s’est tenue une assemblée générale de CAREST, durant laquelle il a été notamment rappelé que le mandat du conseil d’administration arrive à son terme. Un principal challenge sera d’assurer courant 2019 le renouvellement de ce conseil d’administration, en respectant toujours une bonne représentativité des pays d’origine des différents membres de l’association. L’autre objectif majeur est la création de groupes de travail spécifiquement dédiés à la mise en place de nouveaux programmes de dépistages, le développement de projets de recherche inter-caribéen, la communication.
La réflexion autour du site de la prochaine conférence est lancée.

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